• Chapitre II - En suivant l'étoile

    C'est ainsi que je pris la route. Les quelques vivres et la gourde trop peu remplie d'eau me permirent de tenir les deux premiers jours. Je voyageais de nuit et restais cachée le jour pour me reposer. Ainsi, personne ne sut dans quelle direction j'allais... Et moi non plus, d'ailleurs. Ma mère m'avait souvent montré une étoile, en me disant "si tu es perdue, elle t'indiquera la direction qu'il te faut prendre, c'est par là que sont nés tes ancêtres, ils te mettront toujours sur le droit chemin." Alors je tentais, tant bien que mal, de suivre cette étoile, tout en restant cachée dans les bois. Durant la première semaine, où je me nourrissait de fleurs, champignons, racines, et parfois de petit gibier - sans corde et avec mon seul poignard, la chasse était très difficile-, je fis attention à ne rencontrer personne. Mais la faim, la fatigue et la solitude se firent trop forts. Je me décida donc à aller en quête d'un village. Personne ne me connaissait, si loin de chez moi.

    Il me fallu encore trois jours de marche afin d'arriver au village le plus proche sans m'écarter de la direction qu'indiquait mon étoile. Là, je demandai simplement à dormir dans une étable. On m’accueillit avec une bienveillance toutefois teintée de méfiance. Je pu quand même boire du lait, remplir ma gourde d'eau, et obtenir un peu de pain. Dur et sans goût, mais du pain quand même. Je partis, pour n'inquiéter personne, de jour. Je suivi la route le temps de voir disparaitre le village, puis me posai près d'un ruisseau que j'avais aperçu, et tentai de pêcher, à l'aide de mon poignard, quelque poisson à faire frire. Il me fallait à tout prix remplir ma panse avant de repartir : je sentais mes forces s'amenuiser.

    Après un repas peu copieux, et essentiellement constitué de racines et de fruits, agrémenté de deux ou trois poissons ridiculement petits, je repris ma route, le soir commençant à tomber. Devenant de plus en plus habile, mes repas se firent moins frugaux, et je pu, au bout d'un mois, manger régulièrement lapereaux, Lapins, et autre petit gibier. Mes jambes devinrent plus musclées, et un peu de mon embonpoint ( encor que je ne mangeai pas à ma faim étant chez moi, simplement que je ne bougeai pas plus que je ne mangeai... ) disparu. Je dû pourtant m'éloigner sérieusement de ma trajectoire initiale, mon étoile me guidant trop souvent vers des routes. Je ne me résolu jamais, à vrai dire, à me confronter au regard et aux possibles questions des étrangers, préférant les éviter. Plutôt être affamée que devoir répondre à leurs interrogations.

    Un peu plus de deux mois après mon départ, et m'étant rendue compte que j'avais simplement, en deux semaines, fait une boucle, je décidai de suivre mon étoile pour de bon. Ce jour, j’eus 16 ans. Pour éviter les villages et les patrouilles, j'avais tenté tant de détours que je m'étais perdue et, croyant avancer, j'étais simplement revenue sur mes pas. Assise dans une clairière, non loin d'une bourgade, je me posai, et décidai d'interrompre mon voyage pour quelques jours. La fatigue, le manque de discussion, la faim, et surtout une prise de conscience terrible me firent m'arrêter : j'avais fui. J'avais fui la colère de mon père, fui les yeux lubriques des hommes des fermes alentours, fui une vie dont je ne voulais pas. D'un point de vue personnel, je ne pouvais considérer cela comme une mauvaise chose. Mais je repensai à ma famille. Quand je pense à ma famille, j’exclus automatiquement mon père. Mais ma mère, mes frères et sœurs... Je les avais laissés seuls, entre les mains d'un monstre. Ma mère était morte, j'en était certaine. Mon père, blessé, tant à la main que dans son honneur, avait sûrement rejeté sa furie vengeresse sur elle. Et je n'avais pas été là pour la protéger. Ma fratrie avait dû elle aussi souffrir et payer ma "rébellion". Mais je ne pensai pas à leur mort : ils pouvaient rapporter énormément d'argent à ce qui fut autrefois leur parent. Essayant de me calmer, je m'inventai alors toutes sortes d'excuses : ma mère m'avait poussé à partir, et c'était une chose très importante pour moi. J'ajoutai à cela quelques modifications de mes souvenirs, et tentai de me faire croire que ma mère aurait été tuée de toute façon. Souhaitant penser à autre chose, je partis chasser, et m'offrir un repas d'anniversaire.

    C'est en cherchant du gibier que des hommes me prirent en chasse. Je les aperçu et tentai de les semer, mais ils étaient plus forts et plus rapides. J’avais heureusement caché mes maigres rations et mon collier dans ma cape, sous des feuilles et branchages, au pied d'un arbre repérable. Je perdis tout de même mon poignard... Et reçu une sérieuse coupure à la jambe. Je fus heureusement trop sauvage à leur goût, et ma féminité ne les intéressa pas. Soulagée d'avoir perdu si peu, et un peu effrayée, je me cachai plus profondément dans les bois durant plusieurs jours.

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